La Direction Générale du Travail vient de publier une note isur le site du Ministère du Travail.
Cette note précise que, aux termes de la loi, « l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés » et il doit veiller à « l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».
Ainsi, il n’incombe pas à l’employeur de garantir l’absence de toute exposition des salariés à des risques mais de les éviter le plus possible et s’ils ne peuvent être évités, de les évaluer régulièrement en fonction notamment des recommandations du gouvernement, afin de prendre ensuite toutes les mesures utiles pour protéger les travailleurs exposés.
C’est au regard de ce cadre que doivent être définies les obligations respectives des employeurs mais aussi des salariés.
Il incombe à l’employeur dans la situation actuelle de :
- procéder à l’évaluation des risques encourus sur les lieux de travail qui ne peuvent être évités en fonction de la nature du travail à effectuer ;
- déterminer, en fonction de cette évaluation les mesures de prévention les plus pertinentes ;
- associer à ce travail les représentants du personnel à ce travail ;
- solliciter lorsque cela est possible le service de médecine du travail qui a pour mission de conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants et, à ce titre, de préconiser toute information utile sur les mesures de protection efficaces, la mise en œuvre des « gestes barrière » ;
- respecter et faire respecter les gestes barrière recommandés par les autorités sanitaires.
La responsabilité de l’employeur pour méconnaissance de cette obligation spécifique de prévention des risques professionnels peut être recherchée en amont de toute atteinte à l’intégrité physique ou mentale du travailleur, comme en raison d’une telle atteinte avec la survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Quelle que soit la situation, le respect de cette obligation spécifique ou au contraire sa méconnaissance ne sont pas présumés (sauf rares exceptions) et doivent faire l’objet d’une démonstration, en cas de litige.
Face à la pandémie, la responsabilité de l’employeur est donc évaluée au cas par cas, au regard de plusieurs critères: nature des activités du salarié et son niveau d’exposition aux risques, compétences de l’intéressé, expérience, étendue des mesures prises par l’employeur, notamment en termes de formation et d’information, d’organisation du travail, d’instructions délivrées à la chaine hiérarchique.
Ces mesures doivent, le cas échéant, être réactualisées en fonction de l’évolution de la situation dans l’entreprise mais aussi des instructions des pouvoirs publics. En cas d’infection au virus, s’il est pris en charge au titre d’un accident du travail par la sécurité sociale, une éventuelle faute inexcusable de l’employeur qui ouvre droit à une réparation intégrale du préjudice ne peut être retenue que s’il est démontré que celui-ci avait conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Dans le cadre du Covid-19, les mesures nécessaires sont celles préconisées par le Gouvernement, en particulier les mesures prises pour respecter les gestes barrière et les règles de distanciation.
Le législateur précise également que chaque salarié est acteur de sa propre protection puisqu’il doit, « prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et sécurité ainsi que celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail » il incombe donc ainsi au salarié au regard du risque de contamination d’assurer sa propre protection, en respectant par exemple « les gestes barrière », celle de ses collègues et celle aussi des tiers évoluant dans leur environnement immédiat de travail.
Cette note indique par conséquent que l'employeur a une "obligation de moyen renforcée" et non de résultat. Ce principe a été, à nouveau, rappelé récemment par Muriel Pénicaud, Ministre du travail.
Il s'agit d'une analyse sur laquelle on peut se montrer dubitatif , au regard notamment des responsabilités des entreprises en matière civile et pénale et du risque jurisprudentiel existant en la matière. De surcroît, il semble que d’ores et déjà des inspecteurs du travail ait une vision de la responsabilité de l’employeur beaucoup plus extensive.
Aussi la CPME prône une modification législative, seul moyen pour sécuriser véritablement l’employeur.
La solution : la transposition de l’article 5.4 de la directive de 1989
La seule solution pour être certain d’écarter la responsabilité de l’employeur est de prévoir cette exonération par une mesure législative qui transpose effectivement l’article 5.4 de la directive du Conseil du 12 juin 1989 « concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (89 / 391 / CEE) ».
Cet article 5.4 dispose que :
« La présente directive ne fait pas obstacle à la faculté des États membres de prévoir l'exclusion ou la diminution de la responsabilité des employeurs pour des faits dus à des circonstances qui sont étrangères à ces derniers, anormales, imprévisibles, ou à des événements exceptionnels, dont les conséquences n'auraient pu être évitées malgré toute la diligence déployée. ».
Les États membres ne sont pas tenus d'exercer la faculté visée au premier alinéa (1. L'employeur est obligé d'assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail).
C’est la demande que formule la CPME depuis plusieurs semaines auprès des pouvoirs publics et ce afin de mettre un terme définitif aux inquiétudes de très nombreux employeurs.
Document unique
Sur ce même sujet, nous vous rappelons que l’employeur doit notamment procéder à l’évaluation des risques encourus par ses salariés sur son lieu de travail. En application de l’article R.4121-1 du Code du travail, cette évaluation est retranscrite annuellement dans un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER).
Ainsi, dans le cadre de la pandémie de COVID 19, le ministère du travail estime, dans le question réponse qu’il a mis en ligne sur son site et qui est régulièrement mis à jour, qu’aux termes de l’article R.4121-2 du Code du travail, le document unique d’évaluation des risques doit être actualisé pour prendre en compte ce risque épidémique.
La Direction Générale du Travail a d’ailleurs très récemment envoyé une note aux services déconcentrés (les DIRECCTE) et aux inspecteurs du travail leur précisant les modalités de leurs interventions au sein des entreprises pendant l’épidémie. Il y est notamment indiqué qu’il est nécessaire au chef d’entreprise de lui laisser le temps pour évaluer ou réévaluer les risques liés au Covid aux fins de le mettre dans son document unique. (cf note DGT du 30 mars 2020 jointe sur les modalités d’intervention du système d’inspection du travail dans les entreprises )
Il semblerait néanmoins que, sur le terrain, certains agents de l’inspection du travail continuent, dans le cadre des mesures d’informations qu’ils doivent apporter aux entreprises au titre de la prévention de la crise sanitaire, de leur adresser des courriers assimilables à de véritables mises en demeure. Nous vous demandons donc, si un de vos adhérents se voit adresser ce type de lettre de nous le faire remonter sans délai, de telle façon que nous en informions, comme convenu avec elle, la Direction Générale du travail.